Écrit par Méliane St-Amand le 30 juin 2025
Il semble évident que les professionnels encadrés par un ordre – comme les architectes, par exemple – ne seront pas remplacés par l’Intelligence Artificielle (IA). Mais qu’en est-il des métiers dits « créatifs », parfois perçus comme moins essentiels, tels que le design d’intérieur?
Comme je le mentionne dans mon article « Quel est le rôle d’un designer d’intérieur? », le travail du designer va bien au-delà de la décoration. Il s’agit de penser l’espace comme un milieu de vie fonctionnel, esthétique et humain, en intégrant à la fois les besoins pratiques, l’ergonomie et le bien-être des utilisateurs. Ce type de réflexion, profondément ancré dans l’humain, ne peut être reproduit automatiquement par une machine.
Il est donc essentiel d’apprendre à tirer profit de cette technologie afin qu’elle devienne un outil au service de notre travail, qu’elle nous facilite la vie plutôt que de nous remplacer — ce qui, en réalité, reste peu probable.
Comme pour toute avancée technologique, il faut apprendre à apprivoiser l’IA afin d’en tirer les meilleurs bénéfices. En design d’intérieur, l’IA peut par exemple être utilisée pour générer des images photoréalistes à partir de modélisations 3D. Attention toutefois : sans une modélisation bien construite, l’IA peut produire des résultats erronés ou imprécis (positionnements incohérents de luminaires, confusion dans les matériaux, mauvaise interprétation d’une étagère ajourée, etc.).
La création de ces modélisations reste avant tout une tâche qui relève de l’expertise du designer. L’intelligence artificielle ne conçoit pas l’espace à notre place, mais elle peut faciliter la visualisation de nos intentions. Il faut aussi considérer l’aspect hautement intuitif du design : la disposition des éléments dans l’espace, le choix des matériaux en lien avec l’usage prévu, l’agencement global et l’ambiance qui en découle. Ces décisions reposent sur une compréhension sensible et humaine de l’environnement – une dimension que l’IA ne peut pas reproduire seule.
Sur la photo de gauche, j’ai demandé à ChatGPT de rendre plus réaliste la modélisation 3D de la salle de bain que j’ai conçue. À droite, j’ai simplement demandé une image de salle de bain de style moderne, avec une douche, un lavabo et une toilette, en précisant que l’ambiance devait être épurée et que les couleurs étaient à son choix.
On remarque tout de suite certaines incohérences dans le rendu généré, comme les deux petites fenêtres qui se font face dans un coin — peu plausible architecturalement — ou encore la douche, visiblement trop étroite pour être fonctionnelle.
Rendu photoréaliste à partir d'une de mes modélisations
Rendu à partir d'une demande très simple sans modélisation au préalable
De nombreux designers travaillent de façon autonome, sans équipe pour les soutenir dans la gestion, la communication ou la comptabilité. Dans ce contexte, l’intelligence artificielle devient un allié précieux, capable de les accompagner dans une grande variété de tâches, sans nécessiter de suivre des dizaines de formations. Pour les esprits autodidactes, elle représente un véritable levier d’autonomie.
L’IA peut également être utilisée comme outil de recherche pour repérer et valider certains éléments précis dans des documents techniques ou réglementaires — comme le Code du bâtiment, par exemple — afin de s’assurer que nos idées sont réalisables dans un cadre conforme.
Bien sûr, certaines décisions doivent impérativement être validées par des professionnels qualifiés. Mais l’IA peut offrir un excellent point de départ pour structurer une réflexion, clarifier une idée ou préparer un document de manière plus rapide et efficace.
L’intelligence artificielle ne signe pas la fin des professions créatives : elle redéfinit simplement leur façon de travailler. Plutôt que de la craindre, voyons-la comme une opportunité d’enrichir notre pratique. Utilisée judicieusement, elle peut devenir un véritable partenaire, au service de notre vision, de notre expertise et de notre sensibilité humaine